Hors de la R&D conduite par le secteur public et les universités (voir la Lettre précédente), la recherche et l’innovation africaine font preuve d’un dynamisme remarquable et d’initiatives.
L’Institut AIMS-NEI(1) est emblématiques, à cet égard. Ce réseau de centres d’enseignement et de recherche mathématique, lancé en Afrique du Sud en 2003 par Neil Turok, un astrophysicien, s’est étendu au Sénégal (2011), au Ghana (2012) et au Cameroun (2014). Dix nouveaux pays doivent adhérer d’ici 2023. L’Institut dispense une formation de troisième cycle de haut niveau, grâce à un corps professoral international comprenant de nombreux médaillés Fields(2), à des étudiants justifiant d’un cursus mathématique acquis dans une université africaine. L’objectif de l’Institut est de créer une génération de scientifiques africains de niveau mondial acteurs de la transformation du continent. En douze ans, plus de 500 jeunes scientifiques ont été formés, dont un tiers de femmes, et 72% d’entre eux ont choisi de rester travailler en Afrique.
Les entreprises multinationales commencent, de leur côté, à implanter des centres de recherche sur le continent pour créer des produits et services mieux adaptés aux besoins spécifiques des marchés africains. Ainsi IBM a inauguré, en 2013, un laboratoire d’intelligence artificielle à Nairobi, tout comme Philips qui a ouvert, en 2014 dans la même ville, un centre de recherche dédié à la santé et à l’éclairage. D’autres entreprises mondiales telles que Samsung Electronics, l’Oréal, GSK ou Général Electric ont récemment annoncé des investissements R&D en Afrique.
Par ailleurs, l’extraordinaire éclosion des incubateurs de start-ups et des « fablabs(3) » dans tout le continent permet à de jeunes innovateurs de trouver des solutions nouvelles et généralement peu couteuses aux différentes questions pendantes dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, de la santé, de l’éducation ou des télécommunications.
L’innovation africaine produit de belles réussites qui ne demandent, aujourd’hui, qu’à être industrialisées. On peut citer, parmi d’autres, la tablette tactile de Vérone Mankou, dont la conception et l’ingénierie sont 100% africaines. On citera aussi le PWCST(4) de Victor Kosikouma Agbégnénou qui permet de transmettre et de distribuer données, voix et images en haut débit sans utiliser de lourdes infrastructures comme la fibre optique.
Enfin, le Prix de l’Innovation Africaine (IPA) remis par l’African Innovation Foundation, basée en Suisse, récompense chaque année depuis 2011 des solutions technologiques commercialisables répondant aux défis spécifiques de notre continent.
La recherche africaine va poursuivre son essor dans les années à venir. Toutefois, pour constituer un réel levier de croissance et de développement, il lui faut dorénavant pouvoir s’appuyer sur des sources de financement et des capacités industrielles locales.
(1) African Institute for Mathematical Sciences- Next Einstein initiative.
(2) La médaille Fields est l’équivalent du Prix Nobel pour les mathématiciens.
(3) Fabrication laboratories : espace de travail collaboratif permettant aux innovateurs d’accélérer le passage du concept au prototype et à la mise au point d’une technologie, d’un appareil ou d’un logiciel.
(4) Polyvalent Wireless Communication System Technology.
Louis ADANDÉ