novembre, 2012
MADE IN AFRICA
L’Afrique peut elle, aujourd’hui, produire des biens industriels et les exporter? Peut-elle devenir demain un des ateliers du monde et après demain une puissance industrielle à part entière ?.
La société Sawa Shoes apporte, depuis sa création en 2009, un début de réponse positive à ces questions. Le projet de cette entreprise africaine est de développer une marque de basket « mode », 100% « made in Africa », vendue en Europe, en Asie et aux Etats-Unis tout en maintenant la valeur ajoutée sur notre continent. Ainsi les modèles sont dessinés et la production réalisée par une centaine de salariés au Cameroun, à partir de matières premières locales et importées d’autres pays africains. La société connaît une forte croissance et a réussi à se faire référencer dans les boutiques branchées à Londres, Berlin, Paris, Barcelone, New York, San Francisco, Hong Kong et Tokyo.
Pari gagné, alors?
C’est sans compter avec la corruption régnant au port de Douala par où transitent les matières premières importées. Avec pour conséquence le renchérissement du coût des intrants qui lamine la rentabilité et la perte de temps et d’enthousiasme des managers englués dans des négociations aussi imprévisibles qu’interminables.
Pour éviter la faillite, Sawa Shoes s’est résolue à délocaliser sa production en Ethiopie. Le pays dispose, en effet, d’un environnement des affaires plus favorable aux entreprises et d’une véritable dynamique industrielle fortement soutenue par le gouvernement.
C’est ainsi que des emplois, un savoir-faire technique et marketing, des recettes fiscales et douanières et un embryon de filière industrielle ont été perdus pour le Cameroun.
En toute honnêteté, cette tragédie qui s’est déroulée au Cameroun aurait pu avoir lieu dans beaucoup de nos pays.
Elle démontre sans ambiguïté que la corruption n’est pas seulement une question morale et institutionnelle. Elle est avant tout un fléau économique qui ampute la volonté d’entreprendre, la croissance, les recettes fiscales, l’emploi, l’accumulation de savoir faire et la construction de l’écosystème garant de la productivité d’une économie.
Que faire contre la corruption ? Le problème peut sembler insoluble tant la corruption fait figure d’hydre dont les têtes aussitôt coupées repoussent. L’espoir, pourtant, me vient du fait que l’Afrique n’est pas la seule à être confrontée au phénomène et que les pays qui s’en sont donné les moyens ont réussi à faire que la corruption ne soit plus un fléau économique. Si cela s’est fait ailleurs, cela peut se faire ici.
Louis ADANDÉ