décembre, 2010
LA PAILLE ET LA POUTRE
Lors d’un débat sur le projet économique porté par le monde des affaires africain pour les prochaines décennies, j’ai eu l’honneur de partager l’antenne radiophonique avec des poids lourds du business ouest africain. Le panel comprenait le dirigeant d’un grand groupe africain, un entrepreneur des télécommunications et le fondateur d’une société de services aux entreprises.
Hélas, les auditeurs n’ont pas pu découvrir la vision qui mobilise notre élite des affaires, le débat s’étant enlisé dans une critique convenue des hommes politiques africains et des politiques économiques mises en oeuvre. La thèse développée impute l’anémie des secteurs privés africains à la mal gouvernance, la corruption et l’incompétence des politiques.
Cette situation me gène. Non que la critique soit infondée : les politiques africains ont, généralement, fait l’impossible pour se décrédibiliser en matière de gestion de l’économie. Mais j’avais espéré de nos chefs d’entreprises une parole neuve, porteuse d’une ambition de rattrapage, d’un projet de se hisser pas à pas à hauteur des meilleurs dans la région, le continent et le monde. J’avais aussi espéré-en vain- une esquisse d’autocritique de la part des dirigeants du secteur privé.
Car, après tout, les entreprises africaines sont elles des modèles de bonne gouvernance ? Nos capitaines d’industries sont-ils occupés à faire émerger des champions africains ou veillent-ils simplement le statu quo ? Nos dirigeants oeuvrent-ils à implanter dans leurs organisations les meilleures pratiques de management éprouvées sous d’autres cieux? Nos entreprises sont elles des méritocraties où le talent et la créativité sont reconnus?
Tout attendre du politique traduit, en fait, la dépendance congénitale de nos entreprises envers la protection politique multiforme : monopole, quotas, barrières tarifaires, marchés publics de gré à gré, prête-noms et conflits d’intérêt généralisés.
La dénonciation obstinée du bouc émissaire politique pourrait servir d’alibi à nos chefs d’entreprises pour s’exonérer de leur responsabilité. Malheureusement, elle peut aussi réduire leur champ de vision et d’ambition.
Les entreprises africaines doivent aujourd’hui rationaliser leur organisation, muscler leur management, améliorer leur productivité, renforcer leur structure financière et s’insérer graduellement dans le marché mondial.
A défaut, seules les multinationales étrangères bénéficieront de la croissance attendue du continent au cours des décennies prochaines. Cet agenda sera, bien sûr, plus facile à réaliser avec des Etats visionnaires, honnêtes et compétents, mais même en leur absence la responsabilité première de réalisation de ces objectifs incombe à notre élite économique.
Louis ADANDÉ