mars, 2013
COMBATTRE L’ECONOMIE INFORMELLE
Traverser une ville africaine suffit à constater l’omniprésence de l’économie informelle (EI) au sud du Sahara. Du vendeur ambulant au personnel domestique, de la grande entreprise « oubliant » certaines de ses obligations à l’artisan travaillant seul ou avec quelques ouvriers, l’EI couvre un large éventail de situations. En moyenne, l’informel représente 40% du PIB et 60% de l’emploi non agricole en Afrique noire*.
L’économie informelle ne disparaîtra pas d’elle-même. Sa dynamique provient d’un ensemble de facteurs fondamentaux, notamment: un taux de croissance insuffisant pour absorber le croît de population active, l’inadéquation des systèmes de formation aux besoins de l’économie formelle, une fiscalité et une réglementation lourdes renchérissant le coût de la conformité, des Etats incapables de faire respecter leurs propres lois et une culture de « passager clandestin » ne voyant pas dans le respect de la règle commune une condition du vivre ensemble.
Pourtant, l’EI représente une réelle menace pour les économies africaines. Avec une productivité inférieure de 50%** à celle des entreprises formelles du même secteur et l’impossibilité d’accéder au crédit (en l’absence de droits de propriétés reconnus) pour investir, l’activité informelle réduit le potentiel de croissance de toute l’économie et condamne ses acteurs à la pauvreté. L’Etat voit ses recettes fiscales drastiquement amputées, ce qui entraîne une sur-taxation des entreprises formelles. Par ailleurs, le non respect de la réglementation donne aux activités informelles un avantage coût indu, évalué à entre 15% et 25% du coût de revient des biens et services**, sur les entreprises de l’économie formelle. Enfin, la société y perd; les travailleurs, en raison du non respect des règles salariales, sociales, d’hygiène et de sécurité et, les consommateurs, par la mise sur le marché de produits de qualité défectueuse.
Une politique de développement économique réel doit, par conséquent, se doter d’une démarche et d’outils favorisant la transition des activités de l’EI vers l’économie formelle. Cette démarche implique (i) une priorité absolue donnée aux industries de main d’œuvre, (ii) une refonte du système d’enseignement pour adapter l’offre à la demande de qualifications de l’économie formelle, (iii) une réduction intelligente des coûts fiscaux et réglementaires et (iv) une amélioration de la gouvernance publique pour combattre la corruption et créer des institutions compétentes et impartiales.
Ces mesures permettront de réduire les avantages dérivés d’un fonctionnement informel et d’accroître la légitimité de l’Etat, condition du consentement à l’impôt et au vivre ensemble garanti par la loi.
* B.I.T. « The informal economy in Africa », 2009
** Etude du McKinsey Global Institute
Louis ADANDÉ