novembre, 2009
LE TRAIN DE L’AGRO-BUSINESS
La vague de tensions sociales qui a secoué nombre de pays africains en 2007-2008 à la suite de la flambée des prix alimentaires a maintenant reflué. Mais elle a révélé l’absurdité des politiques agricoles menées depuis les années 1970 et consistant à nourrir les masses urbaines africaines par les importations à bas prix provenant des excédents agricoles des autres continents. Ces prix artificiellement réduits par les centaines de milliards de subventions annuelles consenties par les pays exportateurs à leurs agriculteurs constituent un obstacle majeur au développement d’une agriculture commerciale diversifiée en Afrique.
La rue ayant cessé de gronder, la hausse des prix des denrées alimentaires se poursuit. En effet, la croissance démographique, l’urbanisation accélérée et les modifications des comportements alimentaires vont continuer de tirer la demande africaine et pour longtemps. L’offre mondiale, elle, restera fragilisée par la réduction graduelle des subventions agricoles, la pression des biocarburants, le sous-investissement agricole, la diminution des terres arables et les aléas climatiques.
Pour l’investisseur privé, la dynamique haussière des prix alimentaires ouvre la perspective d’une compétitivité et d’une rentabilité retrouvées de l’agriculture africaine. Pour nos Etats, elle crée une fenêtre de tir pour s’attaquer enfin à l’enjeu fondamental de la sécurité alimentaire du continent.
Les avantages comparatifs de l’Afrique au plan agricole sont nombreux : les cinq millions d’hectares de terres arables vendues ou louées à très long terme entre 2006 et 2009 par les gouvernements africains à des investisseurs publics ou privés d’Asie et du Moyen Orient en sont une illustration controversée (1).
Les opportunités d’investissement dans l’agriculture et l’agroalimentaire en Afrique sont très diversifiées tant il existe de filières souffrant de sous-investissement chronique face à une demande locale ou d’exportation insatisfaite. Quelques entreprises et fonds d’investissement ont bien saisi avec succès cette opportunité mais leur nombre reste insuffisant pour impulser et exploiter toute la dynamique de croissance de ce secteur.
De leur côté, les Etats devront penser une nouvelle politique agricole. Celle-ci devra sécuriser l’investissement privé en maintenant des prix alimentaires attractifs dans les villes, en investissant dans la formation et la recherche agronomique ainsi que dans les infrastructures, et enfin en promouvant des marchés régionaux pour les produits agricoles et agroalimentaires.
Tous les pays industrialisés sont d’abord des puissances agricoles. L’Afrique devra monter dans le train de l’agro-business si elle veut assurer sa sécurité alimentaire.
(1) Source : International Food Policy Research Institute.
Louis ADANDÉ